LA CHEBA
Jusqu'en 1261, le Conseil Majeur condamnait ceux qui avaient blasphémé
contre Dieu, la Vierge Marie ou les saints à payer une amende de trois
lires. S'ils ne pouvaient payer, ils étaient jetés à l'eau.
Cependant, en 1270, considérant comme excessive la punition de l'eau,
elle fut remplacée par celle du pilori (exposition à la risée).
Malgré tout, les Vénitiens ne s'abstinrent pas de cette mauvaise
habitude. Priuli, dans ses Mémoires manuscrites (1502) rappelle que :
A Venise, il était difficile de se débarrasser de deux choses
: le blasphème, en usage à tous les degrés, et les vêtements
à la française, dont l'usage était trop ancré, encore
que la nation fut ainsi haïe par toute l'Italie.
Plus fortes se firent alors les peines contre les blasphémateurs et on
créa une magistrature adaptée, dite "Exécuteurs contre
la blasphémie" . Sanuto raconte que trois individus, qui, un jour
de la semaine sainte, se mirent à blasphémer dans l'auberge Bo
auRialto, furent condamnés le 5 mai 1519 à avoir la langue coupée
face à la même auberge , les yeux arrachés, la main droite
coupée et à être pour toujours bannis. Dans de nombreux
cas, les supplices décrits étaient couronnés par le supplice
extrême. Quant aux prêtres, il y avait pour eux la "cage".
On les enfermaient dans une cage (cheba) , de bois, équipée de
fers, accrochée à mi-hauteur du campanile de Saint Marc, où
ils étaient exposés jour et nuit, aux intempéries, pour
toute la vie ou pour un temps fixé, recevant leur nourriture quotidienne
par l'intermédiaire d'une cordelette qui partait du bas.
Célèbre parmi les prêtes blasphémateurs mis en cage, fut Don Agostino de l'église de S. Fosca, dont on conte l'aventure dans le "Lamento di prè Agostino". Voici le prête qui a blasphémé
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Le "Lamento di prè Agostino" , mis en cage et condamné
au pain et à l'eau est un très rare opuscule de 4 feuilles. Il
n'est pas daté. Bartolomeo Gamba dans sa série d'écrits
en dialecte vénitien, le pense de 1518. Mais la chronique de Barbo nous
informe qu'un prêtre Agostino de S. Fosca fut condamné en 1542
à être enfermé dans la cage du 8 août à fin
septembre.