A la fin du 18ème siècle, des nomades arrivèrent à
Venise avec un éléphant pour montrer l'animal, merveille de la
nature, moyennant paiement.
L'enthousiasme suscité dans la population par l'énorme animal
fit accourir un grand nombre de spectateurs sur la riva degli Schiavoni, où
s'était installée la roulotte.
Cependant, pendant la nuit, le pachyderme, peur-être agacé par
l'excès de bruit autour de lui, peut-être excité par l'air
marin, décida de regagner la liberté. Ayant arraché les
chaînes qui le retenaient et défoncé les parois de la cage,
il s'accorda un tour de Venise pendant la nuit, semant la panique sur son passage.
Après avoir erré longtemps dans les rues de la ville, poursuivi
par les hallebardiers de la République, ce qui n'eut pour résultat
que de l'exciter davantage, il défonça d'un coup de cul la porte
d'une église du quartier du Castello (Sant'Antonino ou Sant'Isepo ?)
et pénétra dans l'édifice. Infortuné, tel un chien
dans un jeu de quilles, il fit s'ouvrir sous son poids une pierre tombale et
s'y emmêla une jambe. On put ainsi s'en saisir, et le reconduire à
sa cage, attaché par de robustes chaîne.
La réaction des magistrats vénitiens fut immédiate : par
décret, ils condamnèrent à mort la pauvre bête, pour
rébellion et sacrilège.
La sentence fut exécutée place Saint-Marc, un coup de canon étant
tiré au front de l'animal. Un public nombreux put voir l'éléphant
sans avoir à acquitter le prix du billet d'entrée