LES PIERRES TROUEES

Qui se promène dans Venise, peut voir ça et là deux (ou plus) pierres trouées qui s'avancent parallèlement à de vieux édifices. S'il n'y en a qu'une, c'est que les autres ont été ôtées à l'occasion de quelques travaux. Il paraît naturel que ces trous devaient avoir leur utilité mais on ne sait pas exactement laquelle.

Selvatico, dans son guide de Padoue, en parlant de sa maison à Santa Lucia, dit que probablement ces pierres devaient soutenir de grosses barres de fer, ou de bois, pour tenir fermement les palissades à usage de protection, avec lesquelles on fortifiaient les palais habités par les nobles, lorsqu'ils étaient assailis par l'ennemi.
Mais si cela n'est pas impossible en parlant de Padoue ou d'autres cités, on ne peut le considérer pour certain en parlant de Venise qui fut toujours à l'écart des tumultes intérieurs et des discordes féodales.

D'autres prétendent que dans les trous de ces peirres, on enfilait quelques pieux pour y suspendre les tissus de laine et les faire sécher après la teinture. Mais comment es teinturiers pouvaient disposer à Venise de tant de maisons et non des moindres?

D'autres encore disent qu'on y étendait le linge après la lessive. Sur une des toiles de Vittore Carpaccio, exposée à la Scuola San Giorgio degli Schiavoni, toile intitulée "le lion du couvent", on peut en effet voir du linge étendu sur des pieux enfilés dans ces pierres trouées.
Comment peut-on cependant imaginer que cela aurait été leur seul usage, quand on pense que de simples cordes auraient suffi?

 

 

 

 

 

 

détail du tableau

D'autres enfin affirment que ces trous servaient à maintenir les gouttières. Au dire de Giuseppe Tassini, cette opinion paraît la plus vraisemblable et serait appuyée par quelques indices retrouvés sur des documents anciens. Pourtant le mystère demeure...

Photographie d'une pierre trouée à San Angelo