GEORGE SAND ET ALFRED DE MUSSET AU DANIELI
A 28 ans, Aurore Dupin, baronne Dudevant, quitte son château, son mari
et ses enfants pour s'installer à Paris, seule mais avec un amant sous
la main, dans un appartement de Saint-Germain- des-Prés. L'amant est
écrivain, il s'appelle Jules Sandeau. Elle sera écrivain et
s'appellera George Sand !
George s'affiche devant Tout-Paris au bras de Marie Dorval, actrice à la mode et maîtresse d'Alfred de Vigny. Leur passion ne dure qu'une saison, jusqu'au jour où Sand rencontre Alfred de Musset, qui comblera son désir de féminité. Chacune aura son poète, chacune aura son Alfred, mais les deux femmes resteront unies par une amitié à toute épreuve.
Quand elle fait la connaissance de Musset, elle a trente ans
et lui vingt-deux. Elle est déjà une romancière célèbre,
il est le nouveau poète dont on parle. Cheveux longs bouclés,
physique androgyne d'adolescent, fils de famille révolté,
il la séduit en lui écrivant cette phrase équivoque
: "Je vous aime comme un enfant". Le 12 septembre 1833, c'est en amants qu'ils partent pour l'Italie en passant par Gênes, Pise, Florence et finalement Venise où ils arrivent le 30 septembre. Une gondole les conduit à l'hotel Danieli où ils ont une chambre avec vue sur la Douane de mer. C'était la chambre n°13. Les choses n'allaient déjà plus du tout. George, malade comme un chien, se refusait à Alfred, qui, exaspéré, se mit à courir les bistrots et les filles qui ne font défaut nulle part. Il visite théâtres et bordels en compagnie du consul de France. Un soir, ou plutôt un matin, la situation se renversa. George était rétablie et Alfred rentrait le visage en sang, ayant passé une partie de la nuit à se battre. George dut le coucher et fit venir le médecin qui s'était déjà occupé d'elle. Il s'appelait le docteur Pagello. Il avait 26 ans. Le reste, vous l'avez déjà deviné. Des milliers de livres ont été écrit sur les amants de Venise |
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Et quels amants! Pendant des nuits et des nuits de délire et de convulsions,
George Sand et Pagello soignèrent Alfred avec dévouement. Veillant
ensemble sur leur malade endormi, ils échangeaient quelques paroles en
italien et leurs mains s'effleuraient. De temps en temps, George sortait sur
le balcon pour fumer un cigare. Et un beau soir, recrue de fatigue et de détresse,
George eut envie de Pagello. Sans doute voulait-elle avec lui se venger de celui
qui l'avais blessée. Alfred finit par guérir et nous vécûmes
à Venise encore quelques semaines tous les trois. Le 29 mars 1834, il
confiait George à l'amour de Pagello et rentrait à Paris. Ils
s'écriront alors des choses sublimes et ridicules, des passages de lettres
que des dames enivrées et des jeunes gens hors d'eux ont applaudis pendant
un ou deux siècles dans des salles de spectacle surchauffées.
Le 24 juillet, George Sand à son tour quittait Venise pour Paris, toujours
flanquée de Pagello qui allait bientôt la quitter. A Paris, George
et Alfred redevinrent amants. Il y eut encore de bons moments mais aussi des
scènes de jalousie et des alternances de plus en plus rapides de larmes,
de ruptures, d'insultes, de baisers éperdus et de billets passionnés.
C'est elle qui partit la première. Le 6 mars 1835, elle s'enfuit à
Nohant en cachette.
Son histoire avec Musset terminée, elle se rend compte qu'elle est passée
à côté de quelque chose. Et elle vit son premier (et dernier
?} chagrin d'amour. Elle se coupe les cheveux en garçon et se rend chez
son ami Delacroix pour qu'il fasse son portrait. Pendant trois jours, elle pose
pour lui en se vidant le cur et en philosophant sur l'amour.
Sand, trente-cinq ans, est présenté à Chopin, dandy de
vingt-sept ans, dans un salon. Elle s'arrange pour le revoir. C'est elle que
le séduit. Comme elle avait fuit Paris pour Venise avec Musset, elle
part avec Chopin aux Baléares