LE PREMIER CAFE D'EUROPE
L'habitude de boire du café ne date que de la fin du IXe siècle, époque classique de la médecine arabe. Avicenne en parle lui-même. Et l'éloge des qualités thérapeutiques du café (suppression de la toux, laxatif, remède contre la variole et la rougeole) l'emporte sur la liste des inconvénients (maux de têtes, insomnies, aphrodisiaque, mélancolie) voire des médisances (ulcères, impuissance, apoplexie).
Le café est autant perçu comme un médicament que comme une boisson .
La culture du café ne s'intensifia que lorsque le café passe de boisson médicinale et rituelle à une boisson de socialisation. Le premier Café " Khiva Han " ouvrit ses portes à Istanbul en 1475
Le café a été mal accueilli en Italie au 16e siècle où il fut dénoncé par des prêtres comme une invention de Satan. Le pape Clément VIII, curieux, goûte le breuvage pour trancher : " cette boisson est si délicieuse que ce serait dommage que les Infidèles en aient l'exclusivité." Néanmoins, dans les grandes villes italiennes, Rome et Venise notamment, la répugnance à inviter chez soi (l'univers domestique est celui des femmes et il y a le coffre-fort) expliquerait l'extension des cafés.

Le premier café est sans doute ouvert en Italie, à Venise, en 1615 : "La botteg del caffè". En 1763, on comptait 218 cafés dans la ville.

Ce fut ensuite à Marseille (1659), Hambourg (1679), Oxford que s'ouvrirent en Europe d'autres cafés.

Tout ce que l'Europe compte de moralistes, d'économistes, de médecins donnent leur avis sur le café qu'ils encouragent à taxer, pour limiter la consommation (que seuls les riches peuvent s'offrir). En Allemagne, la maison de café est ressentie comme une mode française par opposition à la brasserie autochtone. Un journal paru à Leipzig en 1697 s'en plaint : " je sais que beaucoup de gens ici parlent italien, français, que des cercles croient nécessaire de parler français ? Puis-je demander, quand on m'appelle, qu'on le fasse en allemand ? ".
Le café eut des prescripteurs de qualité : Goldoni, aussi connu en Italie que ne le fut Molière en France, lui consacre une pièce de théâtre (Bottega del Caffé), Voltaire qui en buvait de grandes quantités (à son médecin qui le mettait en garde : " s'il en est ainsi, voici quatre-vingts ans que j'essaie de m'empoisonner ") ; Balzac qui en buvait jusqu'à trente tasses par jour ; les peintres comme Greuze, Cézanne (La femme à la cafetière), Manet, Matisse ; les compositeurs comme Beethoven, Rossini, Verdi et, plus proche de nous, Gainsbourg et sa chanson Couleur Café. Chez les politiques, si Louis XIV aimait le chocolat, Louis XV qui avait fait planter des caféiers à Versailles, torréfiait sa récolte, Napoléon avec ses sept cafetières en permanence sur le feu (" le café me ressuscite, il me cause comme une cuisson, un rongement singulier, une douleur qui n'est pas sans plaisir "). Et ces deux bons mots, l'un d'Alphonse Allais (" Le café est un breuvage qui fait dormir quand on n'en prend pas ") et Talleyrand : " Noir comme le diable / Chaud comme l'enfer / Pur comme un ange / Doux comme l'amour ".